lundi 22 novembre 2010

Brazil Brazil

[spoiler! Ce texte contient des éléments sur la poterie qui pourrait gâcher des surprises de l'article «Poterie en Terre de Guyane"]

Les villes frontalières sont toutes les mêmes.
Et si je me place du coté guyanais, c'est à dire du coté des riches-qui-s'ennuient, alors je m'apperçois que de l'autre coté du fleuve qui fait office de frontière passoire, là où les lois les moeurs et la police sont plus permissives (quand elles existent), les pauvres semblent s'amuser davantage. C'est Hortefeux qui doit se retourner dans son ministère.

Tout à fait à l'Est de la Guyane à l'endroit où le fleuve Oyapoc fait son lit immense, il existe la ville de St Georges (jadis accessible uniquement par avion), et dont le seul fait notable est sa devise:
«  M'arc boute poc poc »
qu'il faut comprendre par: si mon arc s'arc boute à fond, les extrémités s'entrechoquent et font le bruit 'poc-poc' (no comment)
En fait non je suis mauvaise langue : St-Georges est aussi la base de départ pour des touristes qui souhaitent s'enfoncer loin loin dans la foret en remontant les redoutables sauts du fleuve en pirogue.

St-Georges est la dernière ville française (= civilisée), avant de pénétrer dans un tout autre univers (sauvage) : le Brésil.
Ce n'est pas la forêt omniprésente et dense qui le dit, elle est la même du coté ou de l'autre du fleuve Oyapoc. Ce sont les postes de contrôle français sur la route de l'Est, où des militaires en arme et en gilet pare balle postés 24h/24 derrieres des blocs de béton, contrôlent systématiquement les véhiculent. Seule leur courtoisie semble indiquer que la France n'est pas en guerre avec son immense voisin Brésilien*.
En face de St-Georges, du coté brésilien du fleuve -il suffit de prendre la pirogue-taxi pour s'y rendre, il y a la ville d'Oiapoque. Ici pas de contrôle du passeport ou des papiers, tu paies et tu embarques pour le fantasmagorique Brésil


La rumeur prétend que le tout guyanais s'y précipite les WE. Car on dit que c'est véritablement « le pays où la vie est moins cher » : les restaurants de viande au kilo fleurissent autour d'étale où l'or se vend (au kilo?) à même le trottoir directement du producteur. On dit aussi que les filles faciles sont belles et pas chères (elles ne se vendent pas au kilo non). Des tonnes de vêtements à la mode brésillienne à l'image de la fête permanente qui règnerait dans la mentalité outre-fleuve. Mais aussi la loi des armes à feu, de la drogue et autre trafic.... bref, un concentré de far-east.
Ce qui m'interresse en tout premier lieu (...aller je vous vois venir...) c'est la poterie (perdu!) et notamment la réputation incroyable que du côté guyanais, ce village a. Mon guide papier dit  même que « la poterie brésilienne fait la renommée d'Oiapoque » ; et j'ai pu accumuler au cours de mon enquête poteresque des faits attestant la véracité de ces dires.

Je débarque au port délabré d'Oyapoque grouillant de monde et d'activités, d'odeurs de couleurs et de mots nouveaux. C'est l'autre coté du fleuve mais c'est deja un autre monde.
Sur le mur décrepi qui ne demande qu'à se coucher, a été peint le drapeau du Brézil et sa devise « ordem e progresso » . Est-ce un voeu pieux ? En tout cas la marge de progression est grande car ici tout semble désordre et débandade ! D'ailleurs, le touriste est prévenu dès l'arrivée, une pancarte verte presque neuve écrite dans un français presque sans faute, donne le ton (zoomer sur la photo)



Effectivement... hum... c'est dépaysant, presque entousiamant tout ce bordel.
Mais les promesses n'y sont pas tenues: la gastronomie carnée est digne de ma semelle qui aura parcouru les trottoirs même pas pavé d'or - ni même de prostituées, pourtant m'a-t'on dit qu'elles 'harponaient' carrément les touristes . Quant à la poterie qui faisait la réputation de la ville : je n'en ai vu aucune, et ce n'est pas faute d'avoir parcouru les rues de long en large. Je regrète de ne pas avoir su dire « poterie » en brésilien.. ben ça se dit « ceramica » et non pas « poteria », j'aurai dû m'en douter ça m'aurait eviter de me payer la honte et des regards inquisiteurs des dizaines de fois.

C'est quand même la grosse loose !

Mais d'où vient alors la réputation sulfureuse de cette ville eldoradesque?? C'est la triste histoire d'une ville qui a poussé d'un coup quand St-Georges fut enfin relié par la route; à l'époque le cours du Real (monnaie brésilienne) était très bas, les touristes guyanais attirés par la nouveauté, l'impunité et l'exotisme ont afflué, la pompe à fric fut amorcée et tourna à fond. Et puis l'on sait tous comment ça marche, la passion s'épuise et la nouveauté devient moins nouvelle, et c'est quand l'argent devient plus cher que l'on découvre au petit matin les défauts de l'être aimée.

Et la poterie dans tout ça ?
Je ne m'inquiète pas : si les poteries ne sont pas éternelles, les potiers eux ne disparaissent pas – ils s'endorment, se cachent ou se transforment méconnaissables- et au moment et au lieu donnés, parce qu'ils sont alcoolisés ou que la température et la terre sont bonnes , ils réapparaissent comme des champignons pour haluciner nos vies.


*la France en guerre avec le Brésil ? Non je ne parle pas de la branlée que l'équipe nationale de foot leur a mis en finale de la coupe du monde 98 et qui reste encore en travers de la gorge brésilienne. Mais jusqu'en 1900, la Guyane était 4 fois plus étendue qu'aujourdhui. A cette date, le conseil fédéral suisse décide de trancher le différent entre la France et le Brésil, et de fixer la frontière brésilienne sur le fleuve Oyapock et non plus sur le fleuve Araguay, et hop c'est les ¾ du territoire qui sont amputés ! Soit 270 000 km² en moins pour la France, soit plus de 6 fois la surface de la région Rhone Alpes. Gloups!... "Aux armes citoyens!"

2 commentaires:

  1. merci pour ce récit. Toujours aussi intéressant (même si je me fiche un peu de la poterie, je trouve trés intéressant d'aborder un nouveau lieu avec cette quête et ce regard). T'as un endroit où tu poses tes photos ? Dis ? Hein ? Stp ?

    RépondreSupprimer
  2. Mais tu es dingue! la poterie c'est la base de tout!

    sinon, je suis pas très bon en photo (prises avec mon mobile...) alors je préfère en mettre peu - celles qui sont potables en fait- et remplir de texte!

    RépondreSupprimer