mercredi 22 décembre 2010

Pottery & Poetry

Je vous bassine avec la poterie dans ce blog !

Mais en attendant le déclic qui fera boom à mon article-enquête sur « la poterie Amérindienne en terre de Guyane », voici le texte d’un potier qui sait dire aussi bien qu’il fait qu’il est unique. (j'ai "acheté" -oooo quel mot vilain- quelques œuvres à lui, et je vous invite fortement à aller voir son site, son œuvre, sa vie : http://florentlemen.blogspot.com/) et moi aussi un jour je ferai ma cosmogonie potière.


« 
JE ME SUIS DEMANDÉ CE QU’EST RÉELLEMENT LA POTERIE CAR JE NE SUIS PAS FASCINÉ PAR ELLE.
AU DÉPART, TOUTE CHOSE TOMBE. DEPUIS LA FORMATION DE LA TERRE JUSQU’À L’EXISTENCE D’UN RUISSEAU, TOUT A UNE HISTOIRE DE GRAVITATION. L’HOMME AUSSI, MAIS C’EST UNE HISTOIRE DE BAGARRE, CAR IL A FAIM ET SOIF ET IL A PEUR QUE LA FAIM ET LA SOIF LE REPRENNENT ENCORE. ALORS IL SE MET À ORGANISER LE DÉSORDRE, À RASSEMBLER L’ÉPARPILLÉ, À CONSERVER CE QUI, CHAQUE JOUR, SE CHERCHE. C’EST UN VICE QUE NOUS PARTAGEONS AVEC LE CASTOR, LE PÉLICAN, L’OISEAU AUSSI, JALOUX DE SES ŒUFS, ET QUI CONSISTE À REFUSER QUE LA GRAVITÉ S’OCCUPE UNILATÉRALEMENT DE LA RÉPARTITION DES CHOSES SUR TERRE. LA POTERIE FÉTICHISE CE QU’ELLE CONTIENT PARCE QU’ELLE VOLE QUELQUE CHOSE À L’ATTRACTION TERRESTRE ET ALORS TOUT CE QUI SE CONSERVE DEVIENT UN BIEN. AINSI, L’EAU DEVIENT PRÉCIEUSE, C’EST QUE NOUS NE LA LAISSONS PAS COULER. C’EST COMME ÇA, CE QUI SORT DU CHAOS POUR SE RÉPARTIR CHANGE DE NATURE. DANS UN BARRAGE, L’EAU DEVIENT ÉNERGIE. ET DANS LE BOL AUSSI. VOILÀ COMMENT NOUS APPAUVRISSONS LE MONDE SOUS LE SOLEIL. FAIRE ADVENIR LE PRÉCIEUX, N’EST-CE PAS APPAUVRIR TOUT LE RESTE ?
ET POURTANT, TENEZ, IL Y A LÀ UNE IDÉE, UN DESSIN, UNE IMAGE, UN PHANTASME. VOUS AIMERIEZ LE SAISIR MAIS CELA FILE ENTRE VOS DOIGTS ET VOUS LAISSE PAUVRE CAR VOUS AVEZ PERDU VOTRE MÉMOIRE DANS CE BOL QUI CONTIENT VOS RICHESSES. VOUS VOYEZ CES CHOSES QUI N’EXISTENT QUE DANS LES CIRCONVOLUTIONS DE VOTRE CORTEX ? ELLES SONT SI BONNES ET POURTANT SI FRAGILES ! IL Y A CERTES POUR ELLES CE LIEU ÉTRANGE, AU DESSUS, OÙ TOUTE CHOSE SE RÉPAND COMME LE LIERRE ET DISPARAÎT AUSSITÔT. ON L’APPELLE INTERNET, AVEC UNE MAJUSCULE ET SANS ARTICLE, COMME DIEU. ET, COMME LUI, CE MONDE D’IDÉES EST UN RÊVE OÙ TOUT SE TRANSFORME SANS CESSE, TOUT S’ÉVAPORE AUSSI POUR LAISSER PLACE À UN AUTRE DÉLIRE, ET ÇA RESSEMBLE À LA NUIT.
IL EST AUSSI UN MONDE EN DESSOUS, OÙ LES BIENS SE CONSERVENT JALOUSEMENT ET SE CONCENTRENT TOUJOURS PLUS, OÙ CE QUI EST INSIGNIFIANT S’ACCUMULE AVEC FERVEUR ET NOUS SAVONS POURQUOI. QUELQUE CHOSE A BOGUÉ DANS LA DEUXIÈME LOI DE LA THERMODYNAMIQUE ET LE MONDE S’EST SÉPARÉ ENTRE LA NUIT QUI DISPERSE SES ENFANTS ET LE JOUR QUI LES MET EN RANG.
JE VOULAIS DESSINER MAIS LE PAPIER ME FAISAIT PEUR, ET ON NE COMPREND PAS BIEN CELA. C’EST QUE CETTE PEUR N’ÉTAIT PAS LA MIENNE MAIS CELLE DE MA MAIN ET DES TRAITS QUI SE BOUSCULENT EN ELLE. MAIS OUI, QUEL DESSIN VOUDRAIT SE RETROUVER PRISONNIER D’UN SUPPORT SI PAUVRE. IL VOLE, IL BRÛLE, MAIS SURTOUT IL SE PERD. LÀ, DANS DES CARTONS OU DES TIROIRS QU’ON N’OUVRE JAMAIS. ALORS LE DESSIN REFUSE ET NOUS ENVOIE CE QUI S’APPELLE L’ANGOISSE (LE PAPIER EST AU DESSIN CE QUE LA MASTURBATION EST AUX GAMÈTES) ET VOUS CROYEZ QUE CETTE PEUR VOUS APPARTIENT. C’EST QUE LES IDÉES SE SERVENT DE NOUS ET NON L’INVERSE ET COMME TOUTE CHOSE ELLES CHERCHENT À SE REPRODUIRE ET À SE CONSERVER. CERTAINES SONT AMBITIEUSES ET ESTIMENT QUE LA TÉLÉVISION OU LES PANNEAUX PUBLICITAIRES SAURONT MIEUX QUE TOUT AUTRE SUPPORT LEUR ASSURER LA PLUS BELLE DESCENDANCE. SE TROMPENT-ELLES ? D’AUTRES SONT PARASITES ET SE FIXENT SUR L’OBJET POUR BÉNÉFICIER DE SA PUBLICITÉ. VOILÀ CE QU’EST UN DÉCOR. CERTAINES ENCORE SONT PEUT-ÊTRE UN PEU IDIOTES QUI GERMENT DANS L’ESPRIT D’UN POTIER ET SE PRENNENT POUR DES POMMES, DES FLEURS OU LE CONTENU D’UNE POCHE. ELLES DÉBORDENT LA SURFACE D’UN POT POUR DEVENIR SON CONTENU. VOILÀ UN SUPPORT BIEN CONFORTABLE. ALORS, ÉTRANGEMENT, LA MAIN N’HÉSITE PLUS, LE DESSIN N’A PLUS PEUR. CAR IL CROIT AINSI SORTIR DE LA FOULE DES RÊVES QU’ON OUBLIE POUR DEVENIR UN BIEN QUI SE SAIT À L’ABRI, AUSSI LONGTEMPS QUE PEUT VIVRE L’OBJET QUI LE CONTIENT.
»  Florent Le Men 


dimanche 5 décembre 2010

[interdit -12 ans] ZOUK machin

Longtemps je me suis couché de bonne heure. Ca aurait pu faire la matière d’un très bon livre, mais mon sujet est tout autre aujourd’hui. Puisque je me suis couché à pas d’heure.

Adoncques samedi soir, je suis allé au « all stars Zouk festival 2010 », dont voici une misérable photo (ben oui j’allais pas m’embarrasser d’un gros appareil dans mon pantalon pendant que je me trémoussais de ton mon long et de tout mon large comme un lombric épileptique)



Une bonne soirée où la crème de la crème de la scène Zouk de l’année presque écoulée s’échinait à mettre le feu à la salle pendant que dehors une averse tropicale circoncisait l’incendie naissant. Cette soirée m’aura permis de faire le point sur ma compréhension du phénomène social "zouk" – sinon, des gamines se sont amusées toute la soirée a tourner autour de moi et à se frotter à moi (vous aller comprendre pourquoi, dans la suite) après les avoir un peu chauffé, je les ai calmé dans leur ardeur pré pubère. Les photos vont se retrouver sur leurs facebooks à coup sûr -_-

Pour comprendre le Zouk, il ne faut pas forcément être natif des îles. Je vais casser quelques lieux communs, si vous en avez sur cette « danse d’esclave où l’animalité le dispute à la sexualité dans un chant de transe où il est question de ‘doudou’ et de ‘pti bo’» .

  1.     Le zouk n’est pas une danse traditionnelle des Antilles ou de la Guyane ou de la Réunion
Et non, le zouk est né, aller disons, dans les années 80. Il est donc très récent, et ne doit pas effacer les danses traditionnelles que sont le kaséko ou le grajé par exemple.
J’ai une adresse pour aller voir/danser quelques rondes traditionnelles guyanaises, mais (et oui ce sempiternel Mais) la salle se trouve dans le quartier le plus chaud et malfamé de Cayenne, j’ai nommé la ‘Crique’ alias le ‘village Chinois’ alias ‘Chicago’ alias le coupe gorge… qui vivra verra



     2.  LE zouk n’existe pas, mais plutôt LES zouks

Du zouk, vous vous rappelez certainement des groupes Kassav, Zouk machine ou Franky Vincent… et de leurs tubes qui vous évoquent immanquablement le soleil, l’exotisme, la banane… et pourtant, serez-vous en mal de me définir le Zouk comme chant et comme danse, que je vous rejoindrai. Quels sont les caractéristiques du Zouk…    

- Le collé-serré à évocation sexuelle explicite? Certes plus cru que le tango, moins léger que la lambada, moins solitaire que la Shakira, bien différent du slow tellement sage adolescent… le collé-serré n’est pas la règle

- Le parlé créole ? même pas ! Si à l’origine du zouk les langues créoles ont été la règle, aujourd’hui et la mondialisation et l’industrie musicale font que le zouk se chante beaucoup en français bien métropolitain du 93, parfois avec des traductions en créole aseptisé, et aussi de l’américain pour faire comme K-maro. Les chanteurs zouk ne sont pas forcément ultramarins (mais je crois qu’ils sont tous noirs).

- Les rythmes endiablés ? bien difficile de définir aujourd’hui le zouk comme entité musicale tellement les métissages et cross over sont fréquents: le zouk se décline en zouk love,  zouk RnB, zouk reggae, zouk rap, afro-zouk, …  
   
-  Les thèmes évoqués ? Je vous vois venir avec votre gourdin, « le zouk ce n’est pas de la chanson à texte ».  Je concède, mais on ne demande pas à Babar* d’être autre chose qu’un éléphant bipède humaniste en costume vert avec une couronne sur la tête. Et tout comme Babar, le zouk ça trompe énormément.  Car si les thèmes de l’amour et de la fête sont invariants, ils se déclinent parfois  avec beaucoup de finesse, s’illustrent avec force jeux de mots et images cocasses, et toujours sont tellement proches de l’irréalité locale.

*Je m’excuse auprès de Babar que j’aime beaucoup.

Alors, maintenant, est-ce que la « compagnie créole » c’est du zouk pour vous ?

 Voici quelques liens YouTube de Zouk  :D  pour attraper un coup de soleil, pour vous faire une idée de ce que j’écoutais et de ce que j’écoute actuellement (et que j’adooooore, écoutez bien les paroles sont en or ).



jeudi 2 décembre 2010

into the wild - sur le toit de la Guyane (ou presque)

Si la Belgique n’existait pas, je pense que c’est la Guyane qui mériterait d’hériter du sobriquet de « plat pays ». Mais la foret guyanais habille cette platitude aussi habilement que la moumoute donne du relief à un crâne d’œuf, aussi la Guyane ne sera jamais la Belgique (ouf une fois)

Malheureusement pour nous, « c’est l’arbre qui cache la foret » ; les anciens de tout temps et en tout lieu l’ont répété, et les anciens n’étaient pas des nigauds. Les arbres qui font cette foret sont si hauts et tellement nombreux, et le pays si plat, qu’il n’est possible d’embrasser la foret dans toute sa splendeur que très occasionnellement.

depuis n'importe quelle route, la foret se présente comme 2 murs contraignant l'horizon à un couloir  bleu

Justement, cette occasion s’est présentée et s’appelle un « inselberg » :o) qui permet de prendre de la hauteur. En bon français, « inselberg » se traduit par « île-montagne » qui vous donne tout de suite l’image  d’un massif rocheux transperçant la mer de foret. Il faut relativiser tout de même, l’inselberg le plus haut de Guyane culmine a 700m, il n’y a pas de neige ni de station de ski.
Les inselbergs sont rares et sont généralement situés en plein cœur du pays, donc inaccessibles.
Mais celui sur lequel je suis monté (300m) n’est pas trop loin, seulement à 350km en voiture de chez moi, soit presque 6h de route dont la moitié en 4x4, et 1 journée de marche en foret. Cet inselberg n’a pas de nom que je sache, et se trouve pas trop loin des plus belles cascades accessibles de Guyane, j’ai nommé les chutes Voltaires!

en saison sèche, y'a pas trop d'eau... 

...mais suffisamment pour se rafraîchir au milieu des oiseaux et des poissons 

Il a fallut crapahuter presque 1J à travers un sentier à peine marqué, dans la foret pour arriver à cet inselberg encore relativement épargné par le tourisme. Cette foret est remarquable, car en certains endroits, il suffit d’enlever les quelques centimètres d’humus  pour découvrir que ces arbres immenses ont poussé sur du sable blanc ! Les rencontres dans cette foret ont été assez pittoresques : je me rappellerai toujours d’avoir croisé Patrick Bruel (alias le Jaguar), ou plutôt ses crottes (certifiées par le guide)

le Jaguar, animal totem de la Guyane

 Enfin sur la dalle brûlante de l’inselberg, à la tombée du jour, avec un punch au bord des lèvres… je me régale de la vue en compagnie de la pleine lune, de singes hurleurs, d'une myriade d'oiseaux, d’un couple d’aras et de crapauds buffles. Le soleil s'est couché, Dieu que la Terre est belle quand je bois!

la dalle de granite de l''inselberg qui surplombe la canopée


la dalle est pentue, c'est un peu dangereux surtout là où les sources affleurent
je suis rond et la Terre aussi

la dalle reste chaude tard dans la nuit fraîche 
"mes nuits sont plus belles que vos jours"
au petit matin, la forêt est encore dans ses vapeurs





lundi 22 novembre 2010

Brazil Brazil

[spoiler! Ce texte contient des éléments sur la poterie qui pourrait gâcher des surprises de l'article «Poterie en Terre de Guyane"]

Les villes frontalières sont toutes les mêmes.
Et si je me place du coté guyanais, c'est à dire du coté des riches-qui-s'ennuient, alors je m'apperçois que de l'autre coté du fleuve qui fait office de frontière passoire, là où les lois les moeurs et la police sont plus permissives (quand elles existent), les pauvres semblent s'amuser davantage. C'est Hortefeux qui doit se retourner dans son ministère.

Tout à fait à l'Est de la Guyane à l'endroit où le fleuve Oyapoc fait son lit immense, il existe la ville de St Georges (jadis accessible uniquement par avion), et dont le seul fait notable est sa devise:
«  M'arc boute poc poc »
qu'il faut comprendre par: si mon arc s'arc boute à fond, les extrémités s'entrechoquent et font le bruit 'poc-poc' (no comment)
En fait non je suis mauvaise langue : St-Georges est aussi la base de départ pour des touristes qui souhaitent s'enfoncer loin loin dans la foret en remontant les redoutables sauts du fleuve en pirogue.

St-Georges est la dernière ville française (= civilisée), avant de pénétrer dans un tout autre univers (sauvage) : le Brésil.
Ce n'est pas la forêt omniprésente et dense qui le dit, elle est la même du coté ou de l'autre du fleuve Oyapoc. Ce sont les postes de contrôle français sur la route de l'Est, où des militaires en arme et en gilet pare balle postés 24h/24 derrieres des blocs de béton, contrôlent systématiquement les véhiculent. Seule leur courtoisie semble indiquer que la France n'est pas en guerre avec son immense voisin Brésilien*.
En face de St-Georges, du coté brésilien du fleuve -il suffit de prendre la pirogue-taxi pour s'y rendre, il y a la ville d'Oiapoque. Ici pas de contrôle du passeport ou des papiers, tu paies et tu embarques pour le fantasmagorique Brésil


La rumeur prétend que le tout guyanais s'y précipite les WE. Car on dit que c'est véritablement « le pays où la vie est moins cher » : les restaurants de viande au kilo fleurissent autour d'étale où l'or se vend (au kilo?) à même le trottoir directement du producteur. On dit aussi que les filles faciles sont belles et pas chères (elles ne se vendent pas au kilo non). Des tonnes de vêtements à la mode brésillienne à l'image de la fête permanente qui règnerait dans la mentalité outre-fleuve. Mais aussi la loi des armes à feu, de la drogue et autre trafic.... bref, un concentré de far-east.
Ce qui m'interresse en tout premier lieu (...aller je vous vois venir...) c'est la poterie (perdu!) et notamment la réputation incroyable que du côté guyanais, ce village a. Mon guide papier dit  même que « la poterie brésilienne fait la renommée d'Oiapoque » ; et j'ai pu accumuler au cours de mon enquête poteresque des faits attestant la véracité de ces dires.

Je débarque au port délabré d'Oyapoque grouillant de monde et d'activités, d'odeurs de couleurs et de mots nouveaux. C'est l'autre coté du fleuve mais c'est deja un autre monde.
Sur le mur décrepi qui ne demande qu'à se coucher, a été peint le drapeau du Brézil et sa devise « ordem e progresso » . Est-ce un voeu pieux ? En tout cas la marge de progression est grande car ici tout semble désordre et débandade ! D'ailleurs, le touriste est prévenu dès l'arrivée, une pancarte verte presque neuve écrite dans un français presque sans faute, donne le ton (zoomer sur la photo)



Effectivement... hum... c'est dépaysant, presque entousiamant tout ce bordel.
Mais les promesses n'y sont pas tenues: la gastronomie carnée est digne de ma semelle qui aura parcouru les trottoirs même pas pavé d'or - ni même de prostituées, pourtant m'a-t'on dit qu'elles 'harponaient' carrément les touristes . Quant à la poterie qui faisait la réputation de la ville : je n'en ai vu aucune, et ce n'est pas faute d'avoir parcouru les rues de long en large. Je regrète de ne pas avoir su dire « poterie » en brésilien.. ben ça se dit « ceramica » et non pas « poteria », j'aurai dû m'en douter ça m'aurait eviter de me payer la honte et des regards inquisiteurs des dizaines de fois.

C'est quand même la grosse loose !

Mais d'où vient alors la réputation sulfureuse de cette ville eldoradesque?? C'est la triste histoire d'une ville qui a poussé d'un coup quand St-Georges fut enfin relié par la route; à l'époque le cours du Real (monnaie brésilienne) était très bas, les touristes guyanais attirés par la nouveauté, l'impunité et l'exotisme ont afflué, la pompe à fric fut amorcée et tourna à fond. Et puis l'on sait tous comment ça marche, la passion s'épuise et la nouveauté devient moins nouvelle, et c'est quand l'argent devient plus cher que l'on découvre au petit matin les défauts de l'être aimée.

Et la poterie dans tout ça ?
Je ne m'inquiète pas : si les poteries ne sont pas éternelles, les potiers eux ne disparaissent pas – ils s'endorment, se cachent ou se transforment méconnaissables- et au moment et au lieu donnés, parce qu'ils sont alcoolisés ou que la température et la terre sont bonnes , ils réapparaissent comme des champignons pour haluciner nos vies.


*la France en guerre avec le Brésil ? Non je ne parle pas de la branlée que l'équipe nationale de foot leur a mis en finale de la coupe du monde 98 et qui reste encore en travers de la gorge brésilienne. Mais jusqu'en 1900, la Guyane était 4 fois plus étendue qu'aujourdhui. A cette date, le conseil fédéral suisse décide de trancher le différent entre la France et le Brésil, et de fixer la frontière brésilienne sur le fleuve Oyapock et non plus sur le fleuve Araguay, et hop c'est les ¾ du territoire qui sont amputés ! Soit 270 000 km² en moins pour la France, soit plus de 6 fois la surface de la région Rhone Alpes. Gloups!... "Aux armes citoyens!"

vendredi 19 novembre 2010

[un peu de poésie Merde!] "Pour écrire un seul vers..."

 Je crois que je devrais commencer à travailler un peu, à présent que j’apprends à voir.
J’ai vingt-huit ans et il n’est pour ainsi dire rien arrivé. 
Reprenons : j’ai écrit une étude sur Carpaccio qui est mauvaise, un drame intitulé Mariage qui veut démontrer une thèse fausse par des moyens équivoques, et des vers.
Oui, mais des vers signifient si peu de chose quand on les a écrits jeune! On devrait attendre et butiner toute une vie durant, si possible une longue vie durant; et puis enfin, très tard, peut-être saurait-on écrire les dix lignes qui seraient bonnes.

Car les vers ne sont pas, comme certains croient, des sentiments ( on les a toujours assez tôt ),
ce sont des expériences. 

Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, d’hommes et de choses,
il faut connaître les animaux, il faut sentir comment volent les oiseaux et savoir quel mouvement font les petites fleurs en s’ouvrant le matin.
Il faut pouvoir repenser à des chemins dans des régions inconnues, à des rencontres inattendues, à des départs que l’on voyait longtemps approcher, à des jours d’enfance dont le mystère ne s’est pas encore éclairci, à ses parents qu’il fallait qu’on froissât lorsqu’ils vous apportaient une joie et qu’on ne la comprenait pas ( c’était une joie faite pour un autre ), à des maladies d’enfance qui commençaient si singulièrement, par tant de profondes et graves transformations, à des jours passés dans des chambres calmes et contenues, à des matins au bord de la mer, à la mer elle-même, à des mers, à des nuits de voyage qui frémissaient très haut et volaient avec toutes les étoiles – et il ne suffit même pas de savoir penser à tout cela.
Il faut avoir des souvenirs de beaucoup de nuits d’amour, dont aucune ne ressemblait à l’autre, de cris de femmes hurlant en mal d’enfant, et de légères, de blanches, de dormantes accouchées qui se refermaient.
Il faut encore avoir été auprès de mourants, être resté assis auprès de morts, dans la chambre, avec la fenêtre ouverte et les bruits qui venaient par à-coups.
Et il ne suffit même pas d’avoir des souvenirs. Il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux, et il faut avoir la grande patience d’attendre qu’ils reviennent. Car les souvenirs ne sont pas encore cela. Ce n’est que lorsqu’ils deviennent en nous sang, regard, geste, lorsqu’ils n’ont plus de nom et ne se distinguent plus de nous,

ce n’est qu’alors qu’il peut arriver qu’en une heure très rare, du milieu d’eux, se lève le premier mot d’un vers. 

Les Cahiers de Malte Laurids Brigge, Rainer Maria Rilke

(tu peux aussi l'écouter sur YouTube, 'pour écrire un seul vers')

lundi 15 novembre 2010

« Quand y’en a un ça va, c’est quand y’en a beaucoup que ça pose des problèmes »

L’actualité brûlante en Guyane m’oblige ce soir, n’y tenant plus, à écrire cette lettre ouverte à notre Ministre, M. Brice Hortefeux - dans cette tribune déchirante pour les âmes pures, je demande l’intervention hic et nunc de l’Etat qui dans sa mission régalienne doit assurer la sécurité de ses concitoyens outre-meriens contre ce que j’appellerai une « peste baveuse » (ouhhh j’en frissonne rien que de le dire)   : voici mon brouillon, dites moi si je suis suffisamment clair :D

« 

Monsieur le ministre
de l’Intérieur,
de l’Outre-mer,
des Collectivités territoriales
et de l’Immigration

Place Beauvau
75008 Paris



Monsieur le Ministre

Tout d’abord je tenais personnellement à vous féliciter pour le renouvellement de votre portefeuille. Et s’il ne tenait qu’à moi, je le garnirai d’un bouquet de crevettes guyanaises flambées au rhum (car je sais que vous appréciez les rhums) pour vous exprimer tout le piquant et l’exotisme de mes sentiments.

Monsieur, le sujet ici est d’une importance telle, la vision d’horreur qu’il m’évoque n’a d’équivalent que dans la sainte Bible*. Et il vous concerne en premier chef car elle cumule 3 des 4 titres qui vous honorent : 

je vous demande instamment d’assurer la sécurité des outre-meriens contre l’immigration clandestine des escargots géants africains [Achatina Fulica] ! 

Le site Wikipedia  dont le sérieux n’est plus contesté (d’ailleurs votre page est remarquablement bien fournie) parle d’une espèce exceptionnellement charnue, vorace, baveuse, porteuse de parasites, capable de se mettre en léthargie des mois durant et ayant une sexualité des plus actives et qui laisse ses rejetons dans la nature etc…

Dois-je vous rappeler vos justes mots : 
« Quand y’en a un ça va, c’est quand y’en a beaucoup que ça pose des problèmes » 
« La France a le droit de choisir qui elle veut accueillir . […] Ayons surtout le courage de regarder la réalité en face ! »

Cette réalité, je vous demande de la regarder en face, dans les 4 yeux globuleux. 
Veuillez envoyer des bataillons de poulets par charter pour éradiquer cette vermine.
Monsieur, il serait du plus mauvais effet et il n’y aurait aucune gloire à retirer à fuir devant des escargots, ne les voyez vous pas venir avec leur grands sabots ?

Vive la France libre et non baveuse! »




Je vais être plus sérieux là :
La saison des pluies a à peine mouillé mes yeux que je vois déjà des escargots géants partout. Vous l’avez compris, ça en serait comique si ça n’était inquiétant.
Le reporter de terrain que je suis va vous révéler des « trucs » que Wikipédia ne sait pas. 
Il y a 15 ans, je n’avais jamais entendu parler de ces escargot là. Et en une décennie, ils ont envahis les jardins. Comment ? pas à patte en tout cas (hahahah)!. Il paraît qu’ils sont arrivés accrochés à la coque de bateaux. La nature terrestre ou maritime de ces gastéropodes giganticus est une enigme pour moi : leur coquille a la forme de celle des escargots de mer mais ils peuvent vivre sur terre. Ces escargot dévorent les végétaux, mais pas seulement : ils ont un grand besoin de calcaire pour assurer leur croissance forcée aussi menacent-ils les escargots indigènes en bouffant leur coquilles, pauvres SDF victimes de la crise du logement (vous vous imaginez une course poursuite d’escargots?). Ca ne m’etonnerait pas qu’un jour maigre, ils en viennent a bouffer les coquilles d’œufs ou qu’ils lèchent les murs des maisons ou qu’ils sucent des cailloux.

Comment les eradiquer ? et ben, il paraît qu’ils sont comestibles! Sisi, et à l’approche des fêtes ça serait une belle occasion… de se payer des steak d’escargot.

En attendant je les pourfends au coupe-coupe.


*
·         « […] les  bêtes sauvages en grand nombre entrèrent [...] dans tout le pays […]  — Exode 8:20-32
·         [...] Elles couvrirent la surface de toute la terre et la terre fut dans l'obscurité ; elles dévorèrent toutes les plantes de la terre et tous les fruits des arbres, tout ce que la grêle avait laissé et il ne resta aucune verdure aux arbres ni aux plantes des champs dans tout le pays [...] » — Exode 10:13-14,19

dimanche 14 novembre 2010

Manger 5 fruits et légumes par jour


Tiens, faisons une expérience.
Prend un fruit sur ta table dans la corbeille, ou va le cueillir dans le frigo ou le cellier.
Mors-y dedans, et décris-moi tes sensations.
Généralement les gens disent que c'est sucré, croquant ou tendre, juteux, acide parfumé, pourri, insipide...

Mes parents (vietnamo-franco-guyano-martiens) utilisent assez souvent un terme pour qualifier les fruits d'ici en Guyane, que j'ai eu beaucoup de mal a retranscrire en français jusqu'à maintenant, et que vous aurez certainement du mal à replacer : « chat » [se prononce tchat ou chatte] qui signifie « astringeant » - cad la sensation désagréable et plus ou moins franche d'avoir la langue et l'intérieur des joues comme assechés ou recouvert d'une couche de plâtre, et qui ordonne de se racler la langue et boire un grand verre d'eau (sans que ça passe). Je trouve ça interessant de découvrir des sensations totalement 'nouvelles', comme le jour où j'ai avalé une petite cuillere de Glutamate en croyant que c'était du sucre en poudre...

En métropole, il y a finalement peu de fruits astringeants : certains kakis, le coin, la poire quand elle n'est pas mûre. Par contre, un vin rouge bien rapeux donne exactement cette sensation, c'est je crois lié aux tanins.

En Guyane donc, on retrouve la sapotille, certains types de banane, le fruit du jacquier, la goyave un peu verte etc...
le jacquier de la maison
Un autre adjectif que l'on emploie assez peu en métropole mais dont mes parents abusent pour qualifier les fruits : « beo » que l'ont peu traduit par « gras » ou « gourmand/nourrissant » : bien sûr il y a l'avocat que tout le monde connait, un peu le corossol, certains types de banane (pas de chance en métropole il y a toujours la même banane) le paripou qui est le fruit d'une espece de palmier qui un peu le goût du coeur d'artichaud, et surtout le must des fruits 'beo' : j'ai nommé le Durian (lui c'est une vraie savonette, il est tellement gras que les gens le mettent dans le congélateur , il se transforme alors en glace crémeuse)


Un dernier adjectif vietnamien pour la route : « tan ». Là je n'ai pas de mots concis en français pour décrire ce type d'odeur désagrable : c'est l'odeur du poisson (même frais), c'est l'odeur du chien mouillé, c'est l'odeur de pisse dans les toilettes public... en fait, c'est une odeur tellement entetante ou prenante que je le mettrait au même rang que le musc, une odeur que tu pourrais palper, qui passe dans la langue et qui donne envie de cracher. Encore une sensation étrange.
Note : au vietnam il existe une plante aromatique « tan » qui est appréciée par certains (et redoutée par d'autres)

jeudi 4 novembre 2010

Tiques Attaquent

La nature envoie parfois des signaux évidents pour certaines espèces et totalement invisibles à  d’autres. Tenez il y a des années, j’avais assisté à un envol de fourmis mâles qui avait voilé le ciel, après une bonne averse – j’ai compris l’horreur des récits bibliques ce jour là- . Je ne sais pas comment font ces bébêtes pour se passer le mot à travers tout Cayenne (et certainement au delà)  , ça doit être une histoire de phéromones. « hey les gars ! vous sentez y’a d’la meuf royale ! aller on y va tous !! » . Comme des bœufs. Ils sont tombés comme des mouches.

Et ben là y'a quelques jours : c’était pareil . Mais avec des Tiques. Horrible. J’ai pas d’autres mots. J’ai en tête l’image de hordes de zombies attirées par l’odeur du sang chaud, qui grimpent aux murs, tous dans la même direction, en criant en langage tique : « on veut du boudin!!! » . Ces bêtes là n’ont pas de cerveau, qui a été avantageusement remplacé au cours de millénaires d’évolution par un ventre capable de se distendre++ . Toute proportion gardée, c’est comme si je pouvais gonfler mon ventre telle une montgolfière (bonjour l’aérophagie !). Pauvre Milou notre chien , il a été la première victime de ces suceuses. Pour s’en débarrasser, les bombes insecticides n’ont pas suffit à décrocher les grappes de tiques… papa a eu la géniale idée de badigeonner au pinceau Milou avec de l’essence*. Un regard extérieur aurait pu voir un chinois en train de préparer la crémation de son chien pour le manger. La solution au sans plomb 98 a été radicale.

Tic (et Tac) et un boudin
(bon ça va hein, j'ai pas trouvé d'autre illustration)

La prochaine fois, je vous parlerai d’un autre fléau qui survient a l’occasion de grandes pluies de la saison des pluies… (roulement de tambours) … préparez-vous a l’invasion des escargots africains! (« quand y’en a un ça va, le problème c’est quand y’en a plusieurs » dixit Hortefeux)

* la solution est inspirée d’une méthode locale pour se débarrasser des poux d’agoutis (parasites locaux qui infestent les forets) : il s’agit de se frotter tout le corps avec du rhum, et notamment les plis et replis de la peau si vous voyez ce que je veux dire ! Mais bon, on n’allait pas gaspiller des litres de rhum pour faire flamber Milou quand même !

dimanche 31 octobre 2010

Bonne Année! (Hmong)

Aujourd'hui, la communauté Hmong fête son nouvel an, au village de Cacao 

Alors que j'étais assis en train d'assister à une démonstration de danse traditionnelle et son cortège de costumes aux couleurs chamarrées (voire kitch) et aussi sonores qu'un jackpot à Las Vegas, j'aperçois un mouvement de foule converger vers une personne.
L'ineffable M.Yahoo me lance un regard complice, l'air de me dire :
-        va prendre une photo avec « miss Monde » !
-        Miss Monde ?? , je m’étonne de la présence de miss Monde a Cacao, qui je le rappelle est un village d'agriculteurs au cœur de la foret.  Je ne dis pas que Cacao ne mérite pas Miss Monde, mais qui sait, elle a peut être un faible pour les ramboutans
-        Vas-y vite!
-        et là je dégaine mon appareil photo et j'entraîne ma maman pour qu'elle puisse me prendre en photo aux bras de Miss.... Miss Hmong !
… effectivement, miss Monde ou miss Hmong, ça se prononce pareil pour qui a un fort accent...
      N'empêche, elle est quand même drôlement belle la miss Hmong. Et elle est plus petite que moi !

Ps : j'eus espérer participer aux jeux d'eau qui ponctuent cette fête, et recevoir quelques bassines d'eau sur la tête, et par la même autant de bonheur tombant sur ma tête comme la pluie. Mais ces manifestations de joies mouillées ne se font qu'en soirée, histoire de ne pas refroidir les touristes …